1 LE CONTEXTE HISTORIQUE La Seconde guerre mondiale a commencé début septembre 1939. Le 10 mai 1940 commence l’offensive allemande dans les Ardennes ; deux mois plus tard, l’armée française s’est complètement effondrée. Le 10 juillet 1940, les parlementaires de droite et un nombre important de "gauche" "élisent" à la tête du pays le maréchal Pétain sur une orientation fasciste traditionaliste de collaboration avec le nazisme. Les élus communistes ne participent plus aux réunions de l’Assemblée nationale depuis l’interdiction de leur parti. L’armée d’Adolf Hitler occupe une grande partie de la France dont le Nord, l’Est, la Région parisienne et la façade atlantique Nantes, Bordeaux. Le 22 juin 1941, l’armée hitlérienne attaque l’URSS qui porte alors en totalité le rapport de force militaire face au fascisme. Le Parti Communiste interdit entre dans la clandestinité ; il est le seul à prendre des initiatives militaires de Résistance déraillement d’un train de soldats allemands à Nantes... Dans ces conditions, le choix fait par la droite française au pouvoir avec Pétain de tout faire pour détruire le Parti Communiste relève seulement d’une aide directe à Hitler, Franco, Mussolini et compagnie. Dans le cas de Guy Moquet, membre des Jeunesses Communistes, cela se traduit par le fait qu’il a été dénoncé pour distribution de tracts par deux policiers français. Il a été arrêté par des policiers français. Il a été interné suite à un décret de l’Etat français pris à l’encontre des communistes. Il a été gardé par des gendarmes français à Chateaubriant et il sera choisi pour être fusillé par des Français. La droite française liée à tous les milieux profiteurs du pays colonisation... sort de la période du Front Populaire où elle a vu, horrifiée, des ouvriers bénéficier de congés payés. Se retrouvant au pouvoir grâce à la victoire d’Hitler, elle est décidée à faire payer aussi les syndicalistes de la CGTU qui ont obtenu pour les salariés de nouveaux droits. Cette droite française revancharde emprisonne puis choisit pour être fusillés des syndicalistes comme Timbaud, Poulmarch, Grandel... Prosper Moquet, père de Guy, est cheminot, responsable syndical de la CGTU ; son fils va à coup sûr payer aussi pour lui. 2 Guy Moquet Prosper Moquet, député communiste du XVIIème arrondissement, est arrêté le 10 octobre 1940 et condamné à cinq ans de travaux forcés. Son fils aîné Guy, âgé de 16 ans, poursuit ses études au lycée Carnot tout en menant une activité militante avec les Jeunesses Communistes ; il est arrêté le 13 octobre 1940 au Métro Gare de l’Est par des policiers français ; conduit au commissariat il est violemment passé à tabac pour qu’il révèle les noms des amis de son père. Il est important de noter cette date du 13 octobre 1940 ; à ce moment-là l’armée allemande d’occupation se désintéresse complètement de l’arrestation de communistes ; elle ne commencera à s’y intéresser qu’à partir de juin 1941 et de l’attaque sur l’URSS. C’est donc seulement la détermination anticommuniste de la droite française qui porte la responsabilité de son arrestation. Emprisonné à Fresnes puis Clairvaux, Guy est ensuite transféré au camp de Chateaubriant en Loire Atlantique où étaient détenus d’autres Résistants. Nous savons que Guy Moquet, malgré une discipline sévère, contribua à apporter un peu de joie parmi les internés, en particulier dans la "baraque des jeunes". Il s’éprend d’une jeune communiste également prisonnière, Odette Leclan. Le 20 octobre 1941, Karl Hotzle, commandant des troupes d’occupation de la Loire-inférieure Nantes, est exécuté. Le ministre de l’Intérieur du gouvernement Pétain, nommé Pierre Pucheu, particulièrement anticommuniste, décide en représailles, la mort de 50 militants de la région nantaise dont 27 à Chateaubriant surtout militants du Parti Communiste et quelques-uns de la Quatrième Internationale,trotskystes. Sur ces 27, 17 ont été choisis par les soins de Pucheu et consorts. Deux jours plus tard, neuf poteaux sont dressés à la Sablière, vaste carrière à la sortie de Châteaubriant. Dans les camions qui les conduisent au peloton d’exécution, Guy écrit à Odette son amie du camp, sur un petit bout de papier, regrettant de n’avoir pas eu le baiser qu’elle lui avait promis " Je vais mourir avec mes 26 camarades. Nous sommes courageux. Ce que je regrette est de n’avoir pas eu ce que tu m’as promis. Mille grosses caresses de ton camarade qui t’aime. Guy." Les gendarmes français font du zèle anticommuniste au service des nazis. Aussi, la seule réaction face à leurs bourreaux est celle de Jean-Pierre Timbaud qui crache sur le lieutenant de gendarmerie Touya. En trois groupes, les 27 otages s’appuient aux poteaux, refusent qu’on leur bande les yeux et sont fusillés. Guy Môquet, le plus jeune, est abattu à 16h00. Avant son exécution, il a écrit une lettre à sa famille où il s’adresse en particulier à "son tout petit frère adoré" pour lui donner ses vêtements. Ce jeune frère de Guy Môquet, Serge, âgé de 12 ans en 1941, sera traumatisé par la mort de son aîné et ne lui survivra que de quelques jours. 3 Lettre de Guy Moquet à la veille de sa mise à mort par les nazis le 22 octobre 1941 "Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas ! J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l’escompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme. 17 ans 1/2, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d’enfant. Courage ! Votre Guy qui vous aime Guy Dernières pensées Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !" 4 Message de Brigitte Blang Dans ma salle de classe en Sciences... comme quoi tout est dans tout sont accrochés le portrait d’Anne Frank, la photo des enfants d’Yzieu, la lettre à la jeunesse d’Émile Zola où allez-vous jeunes gens ?, la Déclaration des Droits de l’Homme, des posters contre le racisme et autres babioles du même acabit. Je n’ai jamais connu une seule année scolaire sans que l’un ou l’autre de mes gamins demande " C’est qui, la fille, Madame ? " ou "Les enfants, là , ils sont en colo ? Pourquoi vous avez leur photo ? " Et là , en douce, sans ostentation, sans pathos non plus, sans qu’on y soit OBLIGÉ, l’histoire vient d’elle-même se glisser dans le cours de SVT, mine de rien. Fastoche ? Eh oui... Et Sarkozy n’y est pour rien. Tant mieux d’ailleurs !... Brigitte 5 REACTION DE COMMUNISTES A LA DECISION DE NICOLAS SARKOZY 1 La section du PCF Paris 15ème, comme des milliers de communistes de France, exprime son indignation devant l’opération de récupération de la mémoire de Guy Môquet à laquelle s’est livrée hier M. Sarkozy, jour de son investiture. Elle rappelle que Guy Môquet a été arrêté en octobre 1940 par la police française comme militant communiste. Il était le fils de Prosper Môquet, député communiste déchu de son mandat par les députés qui allaient voter les pleins pouvoirs à Pétain et dont un bon nombre est parvenu à rester aux affaires après 1945. Il a été fusillé par les soldats allemands à l’âge de 17 ans, avec 26 de ses camarades à Châteaubriant le 22 octobre 1941. Ils avaient été désignés comme otages à exécuter par le ministre de l’intérieur de Vichy Pucheu parce qu’ils étaient communistes. Ils sont morts en criant Vive la France ! ». Militants communistes, nous dénions formellement le droit à M. Sarkozy de s’approprier cette mémoire. Ses orientations politiques, sa conception de l’histoire sont totalement à l’opposé des idéaux patriotiques de justice sociale, d’égalité, de paix et d’amitié entre les peuples pour lesquels nos camarades sont tombés. Nous enjoignons nos camarades, les citoyens à exprimer publiquement leur réprobation. Vive le Parti communiste qui fera une France libre, forte et heureuse ! » avaient écrit ses compagnons Pourchasse, Barthélémy et Timbaud avant d’être fusillés avec Guy Môquet dont la dernière pensée fut Vous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir ». 6 Poème Ils sont appuyés contre le ciel Ils sont trente appuyés contre le ciel Avec toute la vie derrière eux Ils sont plein d’étonnement pour leur épaule Qui est un monument d’amour Ils n’ont pas de recommandations à se faire Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus L’un d’eux pense à un petit village Où il allait à l’école Un autre est assis à sa table Et ses amis tiennent ses mains Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent Ils sont bien au-delà de ces hommes Qui les regardent mourir Il y’a entre eux la différence du martyre Parce que le vent est passé là où ils chantent Et leur seul regret est que ceux Qui vont les tuer n’entendent pas Le bruit énorme des paroles Ils sont exacts au rendez-vous Ils sont même en avance sur les autres Pourtant ils disent qu’ils ne sont plus des apôtres Et que tout est simple Et que la mort surtout est une chose simple Puisque toute liberté se survit Les fusillés de Châteaubriant de Réné-Guy Cadou Pleine Poitrine 1946
Lalecture imposée au lycée de la lettre d'un résistant à ses parents suscite le débat. Lettre de Guy Môquet: hommage dispersé - Le Temps Aller au contenu principal
Les moments d'émotion ne manquent pas lors de la célébration du 75e anniversaire du Débarquement. Mais l'un d'eux fut particulièrement intense. Mercredi 5 juin, Emmanuel Macron s'est distingué – dans le meilleur sens du terme - à Portsmouth, dans le sud de l'Angleterre, devant 300 vétérans, ainsi que la reine Elizabeth II, le président des États-Unis Donald Trump, la chancelière allemande Angela Merkel, le Premier ministre canadien Justin Trudeau...À LIRE AUSSIDébarquement 75 ans après, Colleville-sur-Mer va retrouver son drapeauLe président français a lu la lettre adressée par Henri Fertet à ses parents que nous reproduisons ci-dessous juste avant que le jeune homme ne soit fusillé par les nazis. L'Histoire a glorifié Guy Môquet mais, malheureusement, quelque peu oublié Henri Fertet. Le premier est mort en 1941, à l'âge de 17 ans, le second, lui, à l'âge de 16 ans, en 1943. L'un était communiste, l'autre catholique. Chacun de ces deux héros laissa une lettre tout aussi saisissante rédigée quelques minutes avant de marcher vers le peloton d'exécution. Mais, si celle de Guy Môquet est très célèbre – le président Nicolas Sarkozy l'avait fait lire dans toutes les écoles de France en 2007 –, le texte d'Henri Fertet, tout aussi fort, était, jusqu'à ce qu'Emmanuel Macron le remette en lumière, beaucoup moins le 26 septembre 1943Qui était Henri Fertet ? Un jeune patriote, né le 27 octobre 1926 dans le Doubs au sein d'une famille d'instituteurs, lycéen à Besançon, qui s'engage à l'été 1942 dans le groupe de Marcel Simon, secrétaire local de la Jeunesse agricole chrétienne. Le groupe, en février 1943, rallie l'organisation des Franc-Tireurs et Partisans FTP et prend le nom de Groupe franc Guy Môquet. Le jeune résistant se signale par trois actions d'éclat l'attaque du poste de garde du fort de Montfaucon, le 16 avril 1943, pour s'emparer d'un dépôt d'explosifs qui entraîne la mort d'une sentinelle allemande ; la destruction, le 7 mai, d'un pylône à haute-tension près de Besançon ; l'attaque, le 12 juin, d'un commissaire des douanes allemand afin de lui prendre son arme, son uniforme et, surtout, les papiers qu'il transporte. L'arrivée d'une moto l'empêche de se saisir des documents, mais Fertet tue le commissaire. Le 3 juillet 1943, le jeune résistant est arrêté en pleine nuit, chez ses parents. Condamné à mort le 18 septembre 1943, après quatre-vingt-sept jours de détention et de torture, il est exécuté le 26 septembre 1943 à la citadelle de Besançon en refusant qu'on lui bande les yeux et qu'on l'attache, comme il le précise dans sa LIRE AUSSI75e anniversaire du Débarquement ils ont vécu le D-DayVoici dans son intégralité la lettre que le jeune homme a laissée, et qu'il a signée Henri Fertet au ciel, près de Dieu ». Chers parents,Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n'en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour ne pouvez savoir ce que moralement j'ai souffert dans ma cellule, ce que j'ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m'a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait. Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd'hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué. J'espère qu'il ne faillira pas à cette mission toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis. Dites-leur ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands-parents, mes oncles, tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main chez M. Duvernet. Dites un petit mot à chacun. Dites à M. le curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu'il m'a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée. À ce propos, Hennemann me doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez Le Comte de Monte-Cristo à Emourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu'elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d'épée meurs pour ma patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et les Français soient heureux, voilà l'essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le moi, ne vous faites pas de soucis. Je garde mon courage et ma belle humeur jusqu'au bout, et je chanterai Sambre et Meuse parce que c'est toi, ma chère petite maman, qui me l'a Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N'admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur trois enfants, il en reste un. Il doit soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée. mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort. J'ai la conscience tellement je t'en supplie, prie. Songe que, si je meurs, c'est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que celle-là ? Je meurs volontairement pour ma patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au ciel. Qu'est-ce que cent ans ?Maman, rappelle-toi Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs qui, après leur mort, auront des la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau ni être attaché. Je vous embrasse tous. C'est dur quand même de baisers. Vive la condamné à mort de 16 ansH. FertetExcusez les fautes d'orthographe, pas le temps de Henri Fertet au ciel, près de Dieu. »Lenouveau président Sarközy a demandé, premier acte symbolique donnant l'esprit dans lequel il souhaite gouverner, que soit lue à la rentrée scolaire « dans tous les lycées de France » la dernière lettre de Guy Môquet à ses parents. Ce texte, poignant, du jeune communiste, ne permet pas de deviner l'idéologie totalitaire à laquelle il adhérait. Et c'est là toute l'ambiguïté
Onse doutait qu’en faisant de la lecture de la dernière lettre de Guy Môquet à ses parents une démonstration officielle dont il serait le héraut, faute d’être de la lignée du héros, Nicolas Sarkozy allait susciter une agitation où le meilleur aurait du mal à émerger du pire. Hélas, il aura fallu d’abord subir le pire : demander à un joueur de rugby, pour muscler le
Guy Moquet, exécuté par les Allemands est connu notamment pour sa dernière lettre, un modèle de courage, écrit à ses parents. Il est aussi un modèle de résistance à l'ennemi. Sauf que sur ce point, les historiens ne convergent pas avec le Parti communiste qui en a fait une icône. Guy Moquet a été arrêté sans lien avec la résistance, à une époque où le parti communiste n'avait pas désavoué le pacte germano-soviétique. Dans un article de 2007, le journal l'Humanité écrit en titre Emprisonné pour avoir diffusé les idées c'est d'ailleurs exactement ça. Au détail près que ces idées étaient anti-capitalistes au point de ne pas cracher sur un pacte avec Hitler à cette époque. * * * Guy Môquet le mythe et l'histoire Le PCF a utilisé la légende du jeune communiste pour mieux faire oublier son attitude en 1940, aux antipodes de la Résistance De Jeanne d'Arc à Bara, les usages politiques de figures héroïsées sont classiques. Tous les régimes, tous les partis, tous les pays usent d'un procédé qui n'est pas avare d'arrangements avec la réalité historique. Pour exalter des vertus nationales, morales, patriotiques ou donner en modèle l'exemplarité de leurs destins, on accapare des figures symboliques qu'on n'hésite pas à parer de valeurs contradictoires. Le destin du jeune Guy Môquet, fusillé par les Allemands à l'âge de 17 ans, le 22 octobre 1941, n'échappe pas à cette règle. "Je laisserai mon souvenir dans l'histoire car je suis le plus jeune des condamnés", aurait confié Guy Môquet à l'abbé Moyon, qui assista les otages de Châteaubriant. De fait, dès l'Occupation, il a été célébré comme un martyr et nombre de groupes de partisans se sont réclamés de lui. Dans l'immédiat après-guerre, avec les "27 de Châteaubriant", il a incarné les valeurs résistantes et le sacrifice du "Parti des fusillés". Et puis le temps a passé, la Résistance a perdu la place prééminente qui était la sienne dans la mémoire nationale. Le nom de Guy Môquet, comme ceux de Jacques Bonsergent ou d'Estienne d'Orves, a perdu son sens pour la plupart des gens. De façon inattendue, la dernière campagne électorale a ramené Guy Môquet sur le devant de la scène médiatique par les citations d'un candidat qui, élu président, a tenu à faire lire le jour de sa prise de fonction la dernière lettre du jeune homme près d'un autre lieu symbolique la cascade du bois de Boulogne où une cinquantaine de jeunes gens désireux de participer aux combats de la capitale furent fusillés en août 1944. L'initiative a suscité des réactions variées - indignation, satisfaction ou curiosité -, sans que la réalité historique soit pour autant interrogée. Au contraire, on a vu ressurgir à cette occasion les stéréotypes et clichés d'une "histoire" de la Résistance et du PCF qu'on croyait définitivement rangée au magasin des mythes et légendes. Faire de Guy Môquet et de ses vingt-six camarades des "résistants de la première heure" relève de la téléologie, puisque la plupart d'entre eux ont été arrêtés en un temps où le PCF, pris dans la logique du pacte germano-soviétique, était tout sauf résistant. Après avoir mis au rayon des accessoires son antifascisme, condamné une guerre devenue "impérialiste" et appelé plus ou moins ouvertement au sabotage de l'effort de guerre au printemps 1940, le Parti a profité de l'effondrement militaire de la France et de la chute de la République bourgeoise pour prendre à l'été 1940 une série d'initiatives qu'aucun martyre ultérieur ne saurait effacer tractations avec les autorités d'occupation pour la reparution de la presse communiste dont les arguments désormais connus donnent une idée du "patriotisme" du Parti. Guy Môquet, arrêté le dimanche 13 octobre 1940 à la gare de l'Est par trois policiers de la préfecture de police, agissant "sur indication", revendique dans sa déposition avoir voulu remplacer son père, le député communiste Prosper Môquet, militant depuis 1925, élu lors des élections de 1936, invalidé et condamné par la IIIe République pour son refus de désavouer le pacte germano-soviétique. Jeune lycéen exalté, il a dès son plus jeune âge baigné dans une culture politique bolchevique, porteur de la tradition familiale stalinienne, par ses parents, par ses oncles et tantes qui travaillent pour l'appareil clandestin du Parti. Les tracts qu'il distribue en cet été-automne 1940 s'inscrivent totalement dans la ligne du Parti et n'appellent donc pas à la résistance. Prisonnier de la logique d'un parti enfermé dans les compromissions de l'alliance Staline-Hitler, Guy Môquet n'a pas pu être le "résistant" qu'on célèbre à tort. Ses camarades des Jeunesses communistes ont en revanche constitué, à l'été 1941, après l'offensive de la Wehrmacht contre l'Union soviétique, le fer de lance de la lutte armée initiée dans la plus totale improvisation par le Parti. Les premières agressions contre des soldats allemands par les jeunes militants des Bataillons de la jeunesse vont provoquer des représailles sanglantes codifiées en septembre 1941 par le décret Keitel. C'est l'attentat du 20 octobre 1941 contre le Feldkommandant de Nantes, abattu par un commando de trois jeunes communistes venus de Paris, qui est la cause directe de la fusillade des 27 de Châteaubriant et de 21 autres otages originaires de la région, à Nantes et au Mont-Valérien, le 22 octobre. En dépit de la tentative du ministre de l'intérieur Pucheu pour orienter le choix des Allemands vers des communistes, c'est bien l'occupant qui désigna en dernier ressort les fusillés - Hitler dans un premier temps exigeait 150 exécutions - parmi les emprisonnés et internés à disposition dans les camps et prisons. Pour ce choix, il appliqua le décret Keitel en respectant une vague proportionnalité dans l'ordre des responsabilités des jeunes, des communistes, des gens originaires de Nantes. Accaparer cette tragédie à son seul profit et pour sa seule gloire, comme l'a fait le PCF depuis 1942, relève de la récupération politique. Les otages fusillés n'étaient pas tous communistes, Guy Môquet n'était pas le seul jeune... On chercherait en vain dans les discours prononcés à Châteaubriant, sur les plaques et dans les écrits dressés à la gloire de la résistance communiste, les noms de Christian Rizzo, Marcel Bourdarias, Fernand Zalkinov et leurs camarades, arrêtés, jugés, condamnés et exécutés au printemps 1942 pour avoir fait ce que Guy Môquet, en communiste discipliné, n'avait pas fait. Ces jeunes militants commirent les premiers attentats sur ordre d'un parti qui mit des années à en assumer la paternité après avoir calomnié leurs auteurs "ceux qui ont tué le Feldkommandant Hotz sont ceux qui ont incendié le Reichstag", avant de les effacer purement et simplement de la mémoire. Si la dernière lettre de Guy Môquet est émouvante, les leurs ne le sont pas moins, mais personne ne rappelle leur mémoire... Jacques Duclos, qui transmit à Aragon les lettres des 27 avec cette injonction "Fais de cela un monument", fut à l'origine d'un petit arrangement avec l'histoire qui consista à mettre en pleine lumière des militants arrêtés avant la rupture du pacte germano-soviétique et à rejeter dans l'ombre mémorielle ceux dont l'attitude soulignait trop crûment les aspects les moins avouables d'un passé que le PCF devenu patriote, républicain et résistant voulait faire oublier. Avec le sang des otages, le Parti communiste lavait une des périodes les plus troubles et ambiguës de son histoire en même temps qu'il dressait un obstacle moral à toute critique de son attitude. Si les mythes sont aussi importants que la réalité, l'histoire existe pour rappeler cette réalité, aussi tragique ou décevante soit-elle... Jean-Marc Berlière est professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne, chercheur au Cesdip CNRS/ministère de la justice. Sylvain Boulouque est doctorant en histoire à l'université de Reims. Jean-Marc Berlière et Sylvain Boulouque Lettrede Guy Môquet à ses parents et son frère : « Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir ! » Le 22 Octobre 1941, Guy Môquet, le plus jeune des 27 otages du camp de Chateaubriant, était fusillé. Militant communiste, arrêté suite à une dénonciation anonyme, ce jeune garçon de 17 ans, incarne l’honneur de la France et de la lutte contre le 29 octobre 2007 le sondage est clos ; vous pouvez lire notre analyse et les commentaires des 22 octobre à compter de cette année, les enseignants français sont invités par le président Sarkozy à lire et commenter avec leurs élèves la dernière lettre de Guy Môquet à ses parents. Le jeune homme a été fusillé en octobre 1941 avec une centaine d'autres otages par les Allemands en réplique à deux attentats. Nous vous invitons à lire l'histoire détaillée de ce drame ainsi qu'à participer à notre enquête Publié ou mis à jour le 2018-11-27 095014 LkxIi.